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Francis Gury

Cour L'Évèque

Artiste

Peintures

que même la rivière la plus lasse puisse finir par atteindre la mer

 

 

"délivré d'un trop grand amour de la vie

délivré de l'espoir et de la cruauté

nous rendons grâce aux dieux quels qu'ils puissent être

qu'aucune vie ne soit éternelle

que les morts ne se relèvent jamais

et que même la rivière la plus lasse puisse finir par atteindre la mer"

 

From too much love of living,

From hope and fear set free,

We thank with brief thanksgiving

Whatever gods may be

That no life lives for ever;

That dead men rise up never;

That even the weariest river

Winds somewhere safe to sea.

Extrait du « jardin de Proserpine » d’Algernon Charles Swinburne (poète anglais né Londres en 1837 et mort en 1909)

 

A 18 ans Francis Gury se répète cette poésie sans savoir que 50 ans plus tard elle éclairera d’une lumière nouvelle son oeuvre picturale.

En 2013, une maladie fulgurante le plonge dans un coma profond et lui fait entrevoir les portes de la mort. Quelques semaines auparavant il peint des portes sombres sur fond sombre. Prémonition d’un avenir ténébreux.

En 2014 revenu par miracle de l’immense nulle part, il se relance, avec une ardeur juvénile, dans l’exploration des bitumes, des encres et des fumées d’où surgissent soudain des univers somptueux.

Francis Gury utilise le Fabriano papier italien légendaire (ce papier existe depuis 1264, date à laquelle les ateliers de fabrication s’installent officiellement à Fabriano, ville italienne de la région des Marches). Ce papier, plus tendre que le papier d’Arche, le conduit à mener une conversation ininterrompue et attentive avec lui.

Il doit, dit-il, prêter attention aux moindres choses, apprivoiser les gestes les plus simples pour approcher le papier, sans le brusquer. En essayant de surmonter la peur de le malmener avec ses bitumes, ses colles et ses fumées.

Il doit, poursuit-il, se plier à la force des choses, qui fait par exemple que les choses les plus tendres et fragiles ont une « valeur » intrinsèque propre et que cette valeur inestimable est aussi celle des choses « ordinaires ».

Il dit « que peut faire l’art en cette période de crise, d’autre que de rendre grâce à l’ordinaire du monde et à sa beauté ».

Il tente par là de s’opposer sans combattre à la grossièreté des hommes et des jours. Il s’inquiète d’un monde qui s’appauvrit et dont la mémoire vacille.

Il dévoile, silencieusement et sans fièvre, une à une, ses oeuvres récentes : « j’apprends de chacune, je les aime toutes, toutes me parlent, même lorsqu’elles sont inachevées ».

Ce qui s’impose alors à celui qui découvre les oeuvres de cette nouvelle série c’est bien sûr la cohérence de l’ensemble, mais c’est surtout la liberté retrouvée du geste, l’extrême délicatesse avec laquelle il pose des univers (des écritures inconnues, des signes d’humanités à venir, des fragments de civilisations disparues, des rêves, des charniers, des cendres et des lumières venues des intérieurs) sur la feuille.

Par cette attitude il donne, littéralement, la liberté à celui qui regarde ses oeuvres.

Il offre en silence et à chacun la possibilité de se projeter tout entier dans les précises et délicates cartographies imaginaires qui semblent naître de ses mains comme par magie.

Cet artiste rend les armes et offre le monde en partage. En ces temps de grands troubles cette posture détonne et rassure en même temps. 

Elle détonne parce que les cosmos qui se déploient sur ses feuilles de papier sont des hommages rendus au Grand Ordinaire et à la discrétion et dans cela nous nous reconnaissons.

Elle rassure parce qu’elle place l’artiste et l’oeuvre au centre cardinal des mystères et des splendeurs de la création artistique c’est à dire au centre de la vie et dans cela aussi nous nous reconnaissons.

Pierre Bongiovanni, juillet 2014

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